Prise de position du POP : Budget 2021 de la ville de La Chaux-de-Fonds

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Le premier Budget d’une nouvelle législature est un exercice toujours intéressant. L’occasion de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur et de tourner notre regard vers l’horizon.

La dernière législature a été marquée par des années d’austérité avec l’espoir de surmonter une crise financière supposée conjoncturelle. Mesures sur le personnel, mise au placard des grands projets, limitation des investissements et politique de restriction budgétaire à tous les niveaux. L’objectif était de serrer les cordons de la bourse, limiter les déficits en attendant une sortie de crise. Tous les postes budgétaires y sont passés pour tenter de trouver des économies. L’exercice a été fait de sorte qu’il ne reste plus rien à raboter, à aucun niveau, sans remettre en question gravement et durablement le fonctionnement et l’existence même de notre ville.

Si les mesures prises ont permis d’éviter des déficits bien plus grands, elles ont réclamé un bien lourd tribut. Un personnel sous pression qui connaît une augmentation des arrêts maladies et des modifications d’effectif très rapides. Cet état de fait met en difficulté le fonctionnement même des différents services. Comment faire plus, avec moins? Censée guérir, la cure d’austérité est en réalité une maladie.

On le sait bien dans le monde des affaires, une entreprise cessant d’innover est vouée à la perdition. Et pourtant, dans notre Ville, les investissements et les grands projets ont été drastiquement réduits.

Bien sûr, on viendra nous opposer la nécessité et quelques projets susceptibles de contrebalancer un peu ce triste bilan, comme le Musée d’histoire naturelle ou encore la Place du Marché. Mais, concrètement, les investissements de la dernière législature, qui peinent à dépasser les 10 millions annuels, restent ridiculement faibles pour une ville de cette taille. Nos infrastructures, déjà vétustes, dépérissent et ne donnent guère envie malgré leurs grandes qualités. Sans projets porteurs, sans investissements, sans renouveau ni fraîcheur, l’attractivité et la qualité de vie de notre ville se réduisent comme peau de chagrin

Ces années de marasme expliquent, en partie, le départ d’un nombre important d’habitantes et d’habitants.

Faisons face !

Malgré ces sacrifices importants, les déficits s’accumulent. Peut-on parler de mauvaise gestion ? Nous ne le croyons pas. Si certains épisodes peuvent être qualifiés de la sorte, ils n’expliquent en rien la situation de la ville. Dès lors, comment l’expliquer ?

Les différentes réformes fiscales cantonales, soi-disant bénéfiques selon le Conseil d’État, ne l’ont en tout cas pas été pour nos finances. En 2012, nos Comptes présentaient des recettes de l’impôt sur les personnes morales de 27’936’466.72 CHF, somme encore comparable en 2013, puis c’est la dégringolade. Désormais, le Budget 2021 prévoit 9’142’000 CHF sur les personnes morales, qui plus est majoritairement en provenance du pot cantonal. Une différence de près de 19 millions ! Si nous reprenons les Comptes 2019 pour comparer avec une année plus normale, nous n’avions déjà plus que 13 millions de recettes sur les personnes morales, soit 15 de moins qu’en 2012 et 2013, pour un déficit économique chiffré à 9,4 millions. Sans cette réforme serions-nous dans les chiffres noirs ? Difficile à dire, mais nul doute que nous serions dans une situation bien plus favorable. Cette diminution qui découle principalement de la réforme cantonale initiée en 2012 se complète désormais d’une nouvelle réforme aux effets encore peu évidents mais qui coûtera encore plusieurs millions à La Chaux-de-Fonds ces prochaines années. Ces pertes se combinent aux baisses fiscales occasionnées par le départ d’habitants.

Ce bref récapitulatif met en lumière le principal problème de notre belle Ville : les rentrées fiscales et non pas les dépenses qui sont déjà au plus bas. C’est donc sur les recettes qu’il faut travailler.

Si limiter les dépenses a pu être, dans une certaine mesure, logique, il serait aberrant de ne pas se donner les moyens de réussir.  Dégraisser le mammouth c’est une chose, tuer l’espèce en est une autre.

Comme si cela ne suffisait pas, à cette problématique structurelle, se rajoute désormais un problème conjoncturel avec la pandémie qui risque d’impacter durement et durablement le secteur horloger. L’impact sur notre budget est estimé à 9,7 millions de francs, atteignant un déficit total de près de 20 millions avec un prélèvement à la réserve de politique conjoncturelle. Rien de très réjouissant donc, et les perspectives d’avenir ne le sont guère plus.

Il est temps d’aller de l’avant, de proposer, de débattre et de mettre en œuvre de vraies solutions, car à force de vouloir uniquement sauver les meubles, on se retrouve avec une masure. Sans entretien, une maison s’effondre. Sans innovation, une société s’épuise.

Changer la donne nécessite de considérer objectivement certains axes forts comme, en premier lieu, récupérer les 11,7 millions de la péréquation pour critères géotopographiques qui nous reviennent de plein droit et que nous devrions toucher depuis plus de 10 ans ! Imaginez la somme totale ! Cela fait plusieurs Zoo-musées ou complexes patinoire-piscine.

Pour obtenir ce qui nous revient, il faudra être solidaires et, tout courant politique confondu, resserrer nos rangs pour avoir une chance face au Canton qui se gave de cette injustice.

Valoriser notre spécificité culturelle est aussi fondamental, tant pour notre attractivité que pour souder notre identité et la faire rayonner. Que le Canton valorise enfin le MIH est une nécessité, d’autant plus légitime depuis la récente reconnaissance Unesco des savoir-faire horlogers, devant faire de l’institution une référence pour mettre en valeur ce patrimoine matériel et immatériel. Nous pouvons encore évoquer la Bibliothèque de la Ville et le DAV insuffisamment reconnus au regard de la BPU, mais aussi l’enseignement musical que le Canton doit soutenir à sa juste mesure avec le Collège musical sans parler des subventions culturelles injustement réparties que l’on pense, notamment, à l’ABC ou encore à La Plage.

En second lieu, soyons honnêtes, il nous faut retrouver la confiance de la population. Pour cela pas de miracle, il faut aller à sa rencontre, l’écouter, expliquer et dialoguer pour présenter la situation telle qu’elle est et les orientations prises par les autorités politiques. Engager un processus participatif par exemple en usant de budget participatif nous paraît crucial. En effet, un gouffre se creuse entre les autorités et la population, un gouffre qui entraîne des conséquences négatives et qui bloquent nombre de projets. Loin de nous de croire que cela réglera tous les maux mais c’est une étape clé, notamment pour renforcer le lien social et la fameuse «chaleur » des Montagnes.

Une ville c’est d’abord ses habitants, et les Chaux-de-fonnières et Chaux-de-fonniers aiment leur cité. A nous de leur faire honneur, à nous de les réengager dans le processus démocratique. A nous de faire vivre les initiatives des Montagnons.

En troisième lieu, et c’est vers quoi tend le Conseil communal avec ce budget, c’est une politique d’investissements raisonnée afin de redonner une dynamique positive à notre ville, renforcer notre attractivité, notamment résidentielle, en agissant avec vigueur sur les grands dossiers en lien avec la mobilité. Investir également dans des projets susceptibles de  conserver notre population et d’en faire venir une nouvelle. La concrétisation de projets déjà validés et la mise en place d’autres comme celui, génial !,  de devenir la première Capitale culturelle de Suisse, de construire un centre d’archives avec le canton ou encore de rénover la Patinoire sont, à nos yeux, des priorités existentielles.

Enfin, il s’agit, en plus de ce qui vient d’être dit, de miser et de pérenniser la multitude de projets et d’associations culturelles ou sociales qui caractérisent La Chaux-de-Fonds. Cela ne demande pas forcément énormément de moyens et permet à nombre de personnes d’y trouver son compte. A cet égard l’abandon des sommes misérables, pour ne pas dire mesquines, demandées pour le transport du matériel communal pour les associations doit également être définitivement entériné afin de soutenir concrètement le tissu associatif qui en a bien besoin. Il s’agit également de capitaliser sur nos atouts pensons à l’ensoleillement ou aux compétences en microtechniques, à ce fameux savoir-faire horloger, pour développer une économie durable et faire de notre cité un modèle de résilience. Pour cela la motion demandant un plan climat ambitieux est un premier pas à mettre en œuvre au plus vite. Nous y reviendrons.

C’est à tout cela que le POP aspire et que le Conseil communal semble également vouloir suivre avec ce budget. C’est pour cela que nous allons soutenir le budget 2021 qui prend le chemin d’une fin d’austérité avec la suppression du blocage des échelons et une politique d’investissements pragmatiques et raisonnés. Nous regrettons toutefois que le rattrapage des sacrifices importants du personnel durant ces dernières années soit tout relatif. Avec l’IPC, indice hautement contestable ce d’autant plus lorsqu’il se base sur une année Covid, qui vient grever le salaire du personnel. Nous reviendrons prochainement sur ce point.

C’est donc une fin d’austérité relative certes, avec un personnel dont les effectifs sont limités en comparaison avec d’autres villes, mais un premier pas nécessaire et positif.

Concernant l’amendement au budget du Conseil communal pour développer une réflexion sur un service de l’économie, nous allons l’accepter en rappelant que c’est avant tout d’une augmentation de la domiciliation des travailleuses et travailleurs dont nous avons besoin. Nous souhaitons donc que ce facteur soit largement pris en compte dans la réflexion pour définir le poste. Nous allons non seulement accepter cet amendement mais également en proposer un avec les groupes de gauche. Nous voulons que soit mise au budget une somme équivalente afin que le poste de délégué à l’intégration, accepté à l’unanimité par notre conseil, trouve une concrétisation rapide. Nous y reviendrons également.

Pour conclure, un budget 2021 difficile, que nous allons soutenir avec l’idée qu’il faudra garder ce cap durant toute la législature pour avoir une vraie chance de voir nos efforts aboutir. Nous le soutiendrons en sachant pertinemment que les prochaines années seront extrêmement compliquées, qu’il faudra travailler pour faire reconnaître la place de La Chaux-de-Fonds dans le canton et la faire rayonner plus largement. Nous en sommes convaincus, les solutions ne se trouvent plus uniquement ici, nous faisons face à un système qui nous défavorise, qui défavorise les villes industrielles pourvoyeuses d’emplois et à un Canton qui ne nous reconnait que trop peu.

Finalement, le POP tient à remercier les services qui ont permis l’élaboration de ce Budget, l’ensemble du personnel communal pour son travail dans des conditions difficiles, le Conseil communal d’avoir réussi l’exercice périlleux de faire un budget dans des circonstances particulières et toute la population pour sa patience et son courage dans une année 2020 particulièrement éprouvante.

Comme tout organisme, une ville respire et se nourrit d’échanges avec ce qui l’entoure, il est temps de reprendre notre souffle et de se débarrasser du garrot de l’austérité, qui nous prive de nos vraies ressources.

 

Intervention du 22.12.2020 de Julien Gressot, Conseiller général POP