Grève du 14 juin – Portrait de militant.e.s: Paola Roulet
Portrait de militant.e.s féministes sur la grève du 14 juin 2019 – Paola Roulet
La grève des femmes qui aura lieu le 14 juin 2019 sera une journée très importante parce que, malgré la loi sur l’égalité datant de 1995, les inégalités entre hommes et femmes perdurent, et notamment en ce qui concerne les salaires. À l’approche de cette date, nous avons décidé de laisser la parole à certaines de nos militantes et certains de nos militants pour qu’ils nous donnent leur vision du féminisme et des combats qu’il reste à mener sur ce sujet.
- Qui êtes-vous ? De quelle manière militez-vous ?
J’ai 43 ans. Femme divorcée et mère de 3 enfants adolescents. Je travaille comme libraire et je suis conseillère générale popiste depuis 2 ans. Fille d’un ancien conseiller général et de la première femme à avoir été élue comme conseillère communale à La Chaux-de-Fonds, petite- fille d’un ancien conseiller national, tombée du coup dans la politique dès le berceau. Pendant longtemps, l’engagement politique de ma famille a plutôt été un frein pour me lancer sur cette voie parce que je savais le temps que demande un tel engagement. Étant maman-solo avec des enfants à charge à 80% et une activité professionnelle presque à plein-temps, je ne savais pas comment cumuler ces charges avec un engagement politique mais je n’en pouvais plus de rester dans mon canapé à voir le monde se dégrader sans réagir. Pour le moment, je n’ai pas réussi à trouver le bon équilibre, je voudrais pouvoir m’impliquer plus mais je n’en ai pas la possibilité car je suis obligée de prioriser l’éducation de mes enfants et je pense que c’est une des problématiques qui empêchent certaines femmes dans ma situation pour oser se lancer dans le militantisme.
- Quelles sont les raisons qui vous poussent à vous engager en politique ?
La montée de l’individualisme, l’égoïsme et la peur de l’autre qui deviennent bien trop présents dans notre société. Le système capitaliste qui laisse de plus en plus de gens sur le bas-côté de la route, la crise climatique que nous sommes en train de vivre et qui deviendra catastrophique si nous ne prenons pas des mesures urgemment.
- Avez-vous l’impression que la thématique féministe est suffisamment considérée dans les instances politiques que vous fréquentez ou avez fréquentée ?
En ce qui concerne les instances politiques de ma ville j’ai le sentiment que l’équilibre hommes/femmes est plutôt bien respecté et je ne me sens pas déconsidérée parce que femme. Par contre, je trouve que de manière générale les femmes ont peu le droit à l’erreur dans le monde politique et qu’elles sont bien trop souvent dénigrées de manière sexiste plutôt qu’évaluées sur leurs compétences et leur travail.
- Et dans votre parti/syndicat/association/etc. ?
Dans mon parti, je ne ressens aucun sexisme et me sens considérée de façon égalitaire par rapport à mes camarades hommes, ce qui est précieux.
- Que ferez-vous le 14 juin 2019 ?
Je ne sais pas encore si je pourrai prendre congé. Dans l’entreprise où je travaille (qui au passage est transparente sur les salaires qui sont équivalents entre les hommes et les femmes), les employé-e-s auront le droit de faire la grève mais les heures devront être remplacées. Par contre j’aurai le droit, si je le souhaite, de mettre des signes distinctifs en rapport (habits violets par exemple) avec cette journée sur la surface de vente.
- Que représente pour vous la grève féministe du 14 juin 2019 et le combat pour l’égalité des droits ?
Elle est, malheureusement, encore indispensable. Trop d’inégalités existent toujours, notamment dans la répartition des charges ménagères, l’accès à une carrière pour les femmes et évidemment les disparités au niveau des salaires malgré la loi sur l’égalité. Je trouve que cette grève est d’ailleurs importante pour les hommes aussi, pour qu’ils se sentent également davantage en droit de choisir, par exemple d’être hommes au foyer sans être stigmatisés car les clichés ont la dent dure dans les deux sens.
- Qu’attendez-vous exactement du 14 juin 2019 ?
En priorité, j’attends que de nombreux hommes et de nombreuses femmes se mobilisent pour revendiquer une égalité salariale qui, pour l’instant, n’est que théorique. Que cette inégalité perdure encore et toujours est selon moi inadmissible.
- Selon vous, qu’est-ce qui pourrait motiver davantage de femmes à se mobiliser en politique?
Pour moi, c’est le cumul des charges évoqué plus haut qui peut les retenir. Une femme est encore trop souvent considérée comme carriériste, ambitieuse et égoïste si elle décide de s’engager politiquement ou d’avoir un métier qui demande une grande implication en temps au “détriment” de sa vie familiale. Les femmes se sentent souvent coupables de “délaisser” leurs enfants pour s’impliquer dans notre société alors que c’est beaucoup moins compliqué pour un homme qui sera plus facilement admiré pour être capable de jongler entre vie professionnelle, vie politique et vie familiale. C’est ce genre de clichés qui sont des freins pour les femmes à mon avis.
- Avez-vous le sentiment que les mécanismes de discrimination patriarcaux s’appliquent à vous ou à d’autres dans les lieux où vous militez (parti politique, syndicat, parlement, etc.) et si oui de quelle manière ?
Je ne le ressens pas personnellement mais, comme déjà dit, je trouve que les femmes sont trop souvent jugées sur des critères n’ayant rien à voir avec leurs réelles capacités ou manque de capacités. Elles sont facilement jugées sur leur féminité (trop fragiles, trop naïves, etc.) ou leur absence de féminité (pas assez sensibles, pas assez sexy parce que s’affirmer manquerait de séduction pour certains) quand elles cherchent à faire entendre leur opinion. Je trouve que le sexisme est encore très présent de manière générale.
Paola Roulet